Le Secours catholique rend son rapport annuel sur la pauvreté en France.
Cette année, l'association porte un regard sur les dix dernières années écoulées.
Selon elle, la grande pauvreté touche près de deux millions de personnes. Un chiffre en forte augmentation.
Voici un article du Nouvelle Observateur sur ce thème:
Depuis dix ans, la grande pauvreté s'est durablement installée dans le pays et s'est féminisée, souligne le Secours catholique dans son rapport annuel 2011 rendu public jeudi.
Dans ce document intitulé "Regards sur 10 ans de pauvreté", l'ONG indique avoir accueilli 1.422.000 personnes en 2011, dont 668.000 enfants, avec une part accrue des familles, passée de 47% à 53% entre 2001 et 2011.
Parmi eux, 94% vivaient sous le seuil de pauvreté (60% du niveau de vie médian, soit 964 euros en 2010) en 2011 et 68% sous le seuil de très grande pauvreté (644 euros en 2010).
Depuis 2001, le Secours Catholique accueille chaque année près d'un million de personnes vivant en dessous du seuil de très grande pauvreté.
"Les personnes qui sont en grande pauvreté le demeurent durablement" avec "de moins en moins de sorties de cette situation", en raison notamment "de la crise de l'emploi", note le président du Secours populaire François Soulage jeudi sur RTL.
Il souligne aussi que les femmes sont "de plus en plus pauvres parce qu'elles sont de plus en plus seules et notamment avec des enfants".
Le Secours catholique reçoit de plus en plus de femmes (57% en 2011, contre 50% en 2001), en raison d'une hausse des familles monoparentales (+ 6 points), qui représente 58% des familles accueillies.
Il accueille aussi de plus en plus d'étrangers (30% contre 23% en 2001, dont 6% en situation irrégulière).
"On constate un durcissement et un ancrage de la pauvreté", explique Bernard Schricke, directeur Actions et Plaidoyer France Europe. "Il n'est pas rare que les personnes fréquentent nos structures pendant 3, 4 ou 5 ans."
Et pour 68% d'entre elles, la pauvreté n'est pas liée à un événement familial particulier, mais est une "situation installée", note le rapport.
"On envoie parfois en vacances des enfants dont les parents eux-mêmes sont partis en vacances grâce au Secours catholique. La pauvreté s'est transmise d'une génération à l'autre", souligne M. Schricke.
"serrer, serrer"
Pauline, 47 ans, élève seule sa fille de 13 ans, en Savoie, avec 440 euros du RSA, auxquels s'ajoutent 160 euros de pension alimentaire. Outre le loyer (120 euros par mois), l'eau et l'électricité, elle explique sous couvert d'anonymat, avoir été confrontée à une grosse facture "à cause d'un problème de voiture" et a dû faire appel au Secours catholique.
Chaque semaine elle se rend dans une épicerie sociale, pour recevoir une aide alimentaire temporaire "équivalente à 30 euros". "J'ai essayé de serrer, serrer au maximum le budget, mais quand il y a un problème, on se retrouve plus qu'à découvert", dit-elle.
Environ 60% des ménages rencontrés par l'ONG ont des impayés. Dans 40% des cas, ils concernent le loyer ou l'énergie.
Pour Bernard Schricke, si "l'aide alimentaire est un bon outil dans l'urgence, ce n'est pas un moyen de solvabiliser les familles". Il plaide pour "renforcer les minima sociaux" et "baisser les charges contraintes", notamment de loyer, d'énergie ou de transport, "sur-représentées dans les dépenses des plus pauvres".
Il rappelle que "la difficulté d'accéder à un emploi" est le principal facteur de pauvreté. 66% des bénéficiaires du Secours catholique étaient au chômage en 2011.
Avec sa fille souvent hospitalisée, Pauline a "eu beaucoup de soucis au niveau de l'emploi" et plusieurs CDD ne lui ont pas été renouvelés du fait de ses absences. Malgré des formations et diplômes dans le secrétariat et la restauration, elle n'a pas retrouvé d'emploi depuis deux ans. "Aujourd'hui, le problème, c'est mon âge, on me l'a clairement dit en entretien."